Editorial de : Jean Etèvenaux
8ème salon du livre de Nantua
Au moment où se déroule aussi bien le Salon du Livre de Paris que celui de Nantua — pour lequel la Sélyre éprouve un attachement particulier — et en
attendant celui de Genève du 1er au 5 mai, on peut formuler quelques considérations sur les auteurs. D’autant que certains d’entre eux, comme notre amie Corinne Morel, connaissent de fortes difficultés tandis que d’autres, comme notre ami Guy Crequie, estiment ne guère bénéficier d’une reconnaissance locale. D’ailleurs, lors de notre dernière réunion publique, plusieurs éditeurs ont aimablement accepté non seulement de présenter leurs productions, mais aussi d’expliquer leur politique éditoriale et de se situer dans la grande chaîne du livre.
Dans notre région comme partout existent des « auteurs en colère ». Ils ne sont pas toujours très organisés, mais ils se retrouvent pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de rémunération et, d’une manière plus générale, la précarité dans laquelle vivent ceux qui ne disposent ni d’une autre ressource régulière ni d’une retraite correspondant à leur occupation antérieure. Sont ainsi nés divers collectifs tels la Ligue des auteurs professionnels et le Conseil permanent des écrivains, à vrai dire plus ancien. De toute façon, il semble bien que, sur une estimation de quelque 100 000 auteurs en France, il n’y en ait guère que 5 000 à vivre de ce qu’ils écrivent…
Il faut souhaiter qu’un véritable dialogue s’engage avec les maisons d’édition, car on note souvent des incompréhensions relevant d’une méconnaissance des situations. S’il est vrai que beaucoup d’éditeurs, y compris les plus prestigieux, sont devenus dépendants d’impératifs avant tout financiers, il reste encore des auteurs qui ne comprennent pas que leurs ventes concernent en fait un circuit assez long, avec des pressions bancaires qui ont souvent raison des maisons régionales. Il faut aussi avoir le courage de dire qu’existent des margoulins faisant miroiter aux auteurs des éditions pas chères, ce qui amène certains à payer pour être publiés !
En réalité, chacun a son rôle à tenir. Mais rappelons que le véritable éditeur est celui conseille et corrige son auteur. Mais, comme personne ne connaît la recette miracle et comme chacun doit rester humble et prudent, il vaut mieux chercher à s’entendre — quitte à changer d’éditeur. Mais qu’on ne berce pas d’illusions : les temps sont durs pour tout le monde, comme le montrent la régression des à-valoir et la diminution des droits d’auteurs.
Et ne manquez pas, quelques pages plus loin, les réflexions d’Alain Larchier sur le féminin d’auteur — interrogation d’autant plus pertinente que nous ne
recevons ce jeudi que des femmes !
LE 8E SALON DU LIVRE DE NANTUA
Samedi 23 et dimanche 24 mars, le Salon du livre de Nantua se déroule dans
l’Espace André Malraux de 10 h à 18 h. Manifestation d’ampleur régionale
organisée par la mairie, c’est l’occasion de rencontrer plus de 50 auteurs en tous genres : roman, poésie, bd, livre jeunesse, etc.
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Parallèlement, de nombreuses animations (gratuites) sont prévues pour tous les âges : ateliers d’écriture avec Isabelle de Chalon et Caroline Moretti, cours de dessin avec les dessinateurs Michel Rodrigue et Roger Brunel, ballade oenologique en Bugey avec la sommelière Caroline Daeschler (dimanche
à 16 h)… Une exposition, vue lors de notre sortie du 13 octobre dernier, prêtée par le Souvenir de Saint Exupéry (documents issus de la succession Antoine de Saint Exupéry) présentera le pilote, le romancier et le poète.
Cette année, la marraine du Salon du livre de Nantua est Florence Aubenas (ci-contre), journaliste et grand reporter (rencontre prévue le samedi à 16 h) et l’invité d’honneur est le dessinateur de la bd Natacha François Walthéry. Celui qui a commencé en 1963 dans Le Journal de Spirou et collaboré avec Peyo sur plusieurs Benoît Brisefer présentera à Nantua le 23e album de sa célèbre héroïne, Sur les traces de l’épervier bleu, sorti il y a seulement quelques semaines.
C’est donc un grand moment culturel et festif qui est proposé ce premier week-end de printemps au coeur du Haut-Bugey.
Renaud Donzel
Auteur au féminin
Durant des siècles, l’écrit a été le domaine réservé des hommes et, à part la marquise de Sévigné ou Mme de La Fayette, rares étaient celles qui osaient prendre la plume. Elles étaient si peu nombreuses que les académiciens n’ont même pas pris la peine de chercher un mot pour les dénommer. Jusqu’à une période récente, elles devaient se contenter d’être auteur ou écrivain. Une femme de lettres n’était pas censée écrire, mais se devait de connaître la littérature masculine. Et, au XIXe siècle, certains plumitifs ne se gênaient pas pour affirmer que le génie littéraire était l’apanage des hommes. Pourtant, de George Sand à Colette, nos consoeurs ont fait éclater leur talent. Et se sont montrées d’ardentes championnes de la langue et de son expression. À ce propos, quel est le féminin de « défenseur » ?
C’est pourquoi j’interpelle aujourd’hui la gent féminine à propos de leur dénomination. Pour le mot « écrivain », il ne me choque pas d’entendre
« écrivaine ». Cette féminisation suit la règle imposée par l’usage. Encore que ce mot ait un écho assez désagréable. Dans « écrivaine », on entend le suffixe… « vaine ». Ce qui constitue une méchanceté à votre égard. Mais ce sont là les hasards
de la construction lexicale. Alors que « souveraine » est un mot de plénitude, puisqu’il unit « souverain » et… « reine » !
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Mais, pour en revenir à mon humeur du moment, je parlerai du mot « auteur ». Vous avez cru bon, Mesdemoiselles et Mesdames, de choisir de le
féminiser en « auteure ».
C’est, à mon avis, une fâcheuse erreur. D’abord, il faudrait écrire « auteurre » avec deux « r », comme dans « beurre » ou « leurre ». Mais le pire, c’est que cela ne respecte en rien la règle des féminins ayant pour masculin un mot avec le suffixe « teur ». On dit : un moteur, une motrice, un instituteur, une institutrice, un électeur, une électrice, un percepteur, une perceptrice, un acteur, une actrice. Je pourrais en aligner des centaines du même tonneau. Voulez-vous vraiment être pour la défense de la langue française ? Alors le seul mot qui convienne dans ce cas est…
« AUTRICE » !
Ne hurlez pas ! Je sais, la consonance surprend. Mais c’est certainement le mot que les académiciens du XIXe auraient choisi s’ils avaient voulu reconnaître vos mérites littéraires.
De plus, je suis sûr qu’à l’usage vous vous habitueriez très bien à l’entendre. Enfin, cela attirerait l’attention sur vous. Êtes-vous choquée lorsque l’on dit que vous êtes « créatrice » ? Aimeriez-vous que l’on dise « créateure », ou « acteure », ou « admirateure» ?
Alors, de grâce, abandonnez ce barbarisme, ce mot bâtard d’« auteure » qui n’a aucune légitimité dans la tradition de notre langue ! Le mot existe d'ailleurs depuis le début du XVIe siècle et a été employé aux XVIIIe et XIXe, par exemple par Restif de La Bretonne (représenté ci-dessus). En outre, il se trouve exactement sous la même forme en italien : « autrice », confirmant sa proximité avec l'original latin « auctrix ».
Alain Larchier
Bientôt Quais du Polar
Le festival Quais du Polar fête du 29 au 31 mars à Lyon sa 15e édition auprès d’un public fidèle et toujours plus important année après année. Cet anniversaire témoigne du succès d’un événement littéraire d’envergure et rappelle l’importance du livre dans le paysage culturel. Quais du Polar propose en effet une manifestation unique en Europe – avec pour socle un important plateau d’auteurs internationaux – croisant toutes les disciplines. De la littérature au cinéma, de la série tv à la musique, du jeu et des animations ludiques aux visites insolites de musées et autres lieux associés, c’est toute la ville qui vit au rythme du polar le temps d’un long week-end. Une manifestation qui, depuis sa création, a également fait le choix militant de rester gratuite et accessible à tous.
En 15 ans, Quais du Polar a accueilli les plus grands noms du genre, les regrettés Claude Chabrol, Henning Mankell, Donald Westlake, Phyllis Dorothy. James, Philip Kerr, mais aussi James Ellroy, John Grisham, Michael Connelly, Camilla Läckberg, Harlan Coben, Arnaldur Indriðason… Avec tous ces grands noms, Quais du Polar continue de donner la voix à de nouveaux auteurs et participe ainsi activement au développement du genre.
Les derniers Kalash
Le musée lyonnais des Confluences, héritier du musée Guimet, ne manque pas de manifester son caractère ethnologique qui en fait l’un des équivalents du musée du Quai Branly Jacques Chirac. C’est sa manière de nourrir la confluence qui, à l’instar de la réunion du Rhône et de la Saône à ses pieds, forme l’un des traits majeurs de la ville et de sa région. Pendant un an, une fascinante exposition exprime ce mélange de curiosité, de soif de découverte et de désir de compréhension à travers une population devenue résiduelle : les Kalash de l’Himalaya.
Ceux-ci vivent dans trois petites vallées du nord-ouest du Pakistan, à proximité de l’Afghanistan, de la Russie, de la Chine et de l’Inde, au pied des hautes pentes de l’Hindu Kush. Ils n’ont cessé de diminuer sous la pression de leurs voisins, qui ont voulu imposer l’islam à des polythéistes qui fabriquent du vin et dont les femmes ne portent pas le voile. Aujourd’hui estimés entre 3 000 et 6 000 individus, ils subis-sent également la pression des échanges commerciaux, sans ou-blier celles liées à la guerre d’Afghanistan et à la montée de l’islamisme.
Depuis plus de quarante ans, nos amis les ethnologues Jean-Yves Loude et Viviane Lièvre et le photographe Hervé Nègre se sont passionnés puis plongés à de nombreuses reprises dans le monde kalash. Ils en ont rapporté des milliers de documents et d’objets — dont des copies de statues sacrées afin de ne pas en dépouiller leurs propriétaires — qui constituent la donation faite au musée. Leurs expéditions et leurs quêtes sont judicieusement racontées dans un livre mi-bd mi-photos dû au dessinateur Hubert Maury, passé avec bonheur de l’armée et de la diplomatie à la mise en valeur d’expériences multiples ; servie par une impression de qualité, sa rare capacité à glisser du document photographique au dessin à tonalité humoristique fait merveille.
Si l’on ignore d’où viennent les Kalash, des Indo-Européens que certains ont voulu rattacher aux armées d’Alexandre arrivées à proximité de leur territoire actuel, leur mode de vie et, surtout, leurs croyances sont exposées de façon très claire. Rythmées par les saisons, elles accordent une large place aux chamans, ces messagers de dieux se montrant d’autant plus favorables qu’ils sont bien nourris. Les hommes doivent d’ailleurs se conduire de la même manière envers leurs semblables, ce qui les fait considérer comme riches lorsqu’ils ont tout donné pour les autres…
Gihé