Editorial de : Jean Etèvenaux et Gérard Chauvy
L’illustration de la première page reprend l’affiche d’une exposition qui débute aux Musées Gadagne ce 22 novembre pour presque six mois, jusqu’au 5 mai, Lyon au 18e : un siècle surprenant. En dehors de ses qualités intrinsèques et de la nouvelle manifestation qu’elle donne de la jeunesse de cette vénérable institution si magnifiquement rénovée, elle contribue à mieux faire connaître la riche diversité du patrimoine lyonnais. Voilà en quoi elle intéresse directement la Sélyre, toujours à l’affût de cette culture qui nous vivifie et dont nous efforçons de vivre les différentes expressions. Profitons-en pour signaler une autre exposition qui se tient jusqu’à la fin de l’année à la Bibliothèque de la Garnison de Lyon (22, avenue Leclerc – 69007 Lyon), consacrée à Lyon des origines à la Révolution.
Dans ce numéro, vous trouverez un article de Gérard Chauvy, qui revient sur le 700e anniversaire du rattachement de Lyon à la France. Trop discrètement célébré, il demeure important à la fois dans un cadre général, aussi bien régional que national, et dans la compréhension de la mentalité lyonnaise. S’il existe en effet une lyonnitude dont on parle beaucoup depuis une cinquantaine d’années, cela vient de ce que l’identité de la cité se fonde toujours sur une histoire originale qui ne peut être complètement assimilée à celle du reste du pays. Après tout, 700 ans sur vingt et un siècles d’histoire depuis la création en 43 avant notre ère — pour ne rien dire de ce qui existait déjà auparavant —, cela ne représente qu’un tiers du temps total…
Bien entendu, le passé est le passé et, aujourd’hui, nous construisons l’avenir, tout en essayant de vivre le présent ! Mais il faut le connaître et se garder de le mépriser, afin de ne pas tomber dans une uniformité réductrice qui laminerait différences et originalités. En outre, non seulement le passé nous a façonnés, mais sa complexité aide à mieux comprendre le caractère très multiple de l’actualité et la variété des causes qui s’enchaînent, qu’on ne peut évidemment pas réduire à une vision purement manichéenne.
Voilà pourquoi, comme d’habitude, la Sélyre présente, entre autres, des livres d’Histoire. De surcroît, plusieurs des chroniques de cette livraison des Lettres aident à se plonger dans un passé tourmenté et glorieux, même s’il a eu ses zones d’ombre, qu’il s’agisse de l’épopée napoléonienne ou de la Seconde Guerre mondiale. Mais, dans l’immédiat, préparez-vous à découvrir une exposition vraiment renversante aux Musées Gadagne — et qui, soit dit au passage, montre l’éclat de Lyon au XVIIIe siècle.
Sur la campagne de Russie et autres épisodes napoléoniens
Le mois de novembre nous amène en plein cœur du bicentenaire de la campagne de Russie. De nouveaux livres s’y rapportent et cela constitue aussi l’occasion d’en présenter quelques autres se rapportant à l’épopée napoléonienne.
Six volumes récents aident à la comprendre. Commençons par le colloque organisé essentiellement par la Fondation Napoléon et le Souvenir napoléonien et dont les actes viennent d’être publiés par Marie-Pierre Rey et Thierry Lentz : 1812, la campagne de Russie. Histoire et postérités (Paris, Perrin, 2012, 384 pages). Ajoutons-y 1812, le n° 267, année 2012, de la Revue historique des armées, et l’étude de Charles Zorgbibe, Le choc des empires. Napoléon et le tsar Alexandre (Paris, Éditions de Fallois, 2012, 400 pages). Suivons une approche russe — en fait très favorable au souverain français —, celle d’Oleg Sokolov sur Le combat de deux empires. La Russie d’Alexandre Ier contre la France de Napoléon 1805-1812 (Paris, Fayard, 2012 [édition originale russe : 2012], 528 pages). Quant à Curtis Cate, il développe une vision plus extérieure, puisque américaine, dans La campagne de Russie 22 juin – 14 décembre 1812 (Paris, Tallandier, 2012 [édition originale : 1985, 1ère édition française : 2006], 736 pages). Et l’on s’arrêtera sur un bel ouvrage édité pour le bicentenaire de la participation des Tessinois à la campagne de Russie, écrit par Davide Adamoli et Damiano Robbiani, Milizie bleniesi. Milizie storiche della valle di Blenio. Tra storia e memoria (Lottigna, Museo storico etnografico della Valle di Blenio, 2012, 288 pages), qui rappelle la participation suisse aux combats.
Thierry Lentz aide grandement à comprendre qu’il y eut aussi, y compris durant cette période, un Napoléon diplomate (Paris, Cnrs Éditions, 2012, 272 pages). Quant à Jean-Marie Rouart, il décortique à sa manière Napoléon ou La destinée (Paris, Gallimard, 2012, 352 pages), montrant une nouvelle fois combien l’empereur des Français fascine les hommes de lettres.
Pour s’y reconnaître dans la famille, Eddie de Tassigny offre, sous la forme d’une succession de tableaux, Les Napoléonides. Généalogie de la IVe dynastie (Aix-en-Provence, Mémoire et Documents, 2012, 180 pages), où l’on voit notamment toute la place prise par la descendance de Murat — c’est d’ailleurs le prince Joachim qui a préfacé l’ouvrage. Un cas particulier est étudié par Joseph Vebret avec Le comte Léon, bâtard infernal de Napoléon (Paris, Éditions du Moment, 2012, 240 pages).
Deux moments particuliers de ces ultimes années sont mis en valeur. Natalia Griffon de Pleineville décrit La bataille de Chiclana-Barrosa 5 mars 1811 (Fontaine-l’Évêque, 2012, 112 pages), qui se déroula à côté de Cadix. Jean-Marie Thiébaud et Gérard Tissot-Robbe, eux, mettent en valeur Les corps francs de 1814 et 1815. La double agonie de l’Empire. Les combattants de l’impossible (Paris, Éditions SPM, 2011, 714 pages).
Par ailleurs, Albert Benhamou poursuit ses investigations sur Sainte-Hélène et propose Inside Longwood. Barry O’Meara’s clandestine letters (Londres, Albert Benhamou Publishing, 2012, 4 + 230 pages). Dans le nord de l’Italie, Paolo Foramitti, Daniela Pegoraro et Annarosa Toffoli ont monté tout un projet scolaire permettant de se plonger Al tempo di Napoleone. Leggende e racconti in Friuli (Udine, Edizioni del Confine, 2011, 64 pages).
Enfin, deux études fondées sur des archives font revivre des personnages typiques de cette époque. Ainsi, après les quatre volumineux tomes publiés en 2010 par François Richard sur Amable de Baudus (1761-1822) (Saint-Maur, t. I : 1761-1799, 670 pages ; t. II : 1800-1810, 632 pages ; t. III : 1811-1819, 660 pages ; t. IV : 1820-1822, 636 pages), Florence de Baudus raconte Amable de Baudus. Des services secrets de Talleyrand à la direction de la censure sous Louis XVIII (Paris, Éditions SPM, 2011, 380 pages). Quant à François Houdecek et Chantal de Loth, ils montrent le chemin suivi De l’Empereur au Roi. Correspondance d’Eugène de Roussy (1806-1830) (Paris, Nouveau Monde Éditions / Fondation Napoléon, 2012, 384 pages).
Jean Étèvenaux
Choisir un dictionnaire
La rentrée des classes a rappelé l’utilité des dictionnaires. Même si existent beaucoup de versions en ligne, le bon gros volume qu’on place devant soi ou qu’on traîne d’une pièce à une autre, voire qu’on va consulter quand on travaille sur un ordinateur, demeure très présent, car très utile. Deux grandes maisons en proposent leurs dernières éditions.
Bien entendu, Larousse se veut toujours « le plus complet et le plus à jour », insistant sur ses côtés encyclopédiques. Il avance 62 000 noms communs, 28 000 propres, une chronologie universelle de 1 250 événements et un très grand nombre d’illustrations : quelque 5 000, ainsi que 125 planches et plus de 350 cartes. Hachette demeure en fait dans les mêmes proportions, avec 58 000 noms communs et 25 000 propres, sans lésiner, non plus, sur les articles et sujets très explicatifs. Rappelons que le Dictionnaire Hachette mêle volontairement dans le même ordre alphabétique noms communs et propres.
On peut toujours s’attarder sur les nouveautés, autrement dit sur le soin mis à coller à l’actualité, à rester dans l’air du temps et à suivre certaines modes. Larousse recueille ainsi « gestationnel », « cyberterrorisme », « tweet » [ou, plus inatenndu, « twit »] — mais pas Valérie Trierweiler —, « sans-terre », « journalisme d’investigation » — ce qui laisse supposer qu’il en existerait sans recherche de la vérité au moyen d’enquêtes —, « goncourable », « gaz de schiste » ou « brigadiste », à quoi s’ajoutent quelques régionalismes, africanismes, belgicismes, helvétismes et québécismes… Hachette a découvert la « beurgeoisie », la « christianophobie », le « dress-code », l’« inframonde », le « nanoproduit », la « réindustrialisation » ou la « vaginosplastie ».
Larousse sacrifie à l’actualité avec le Premier ministre belge Elio Di Rupo, l’acteur Jean Dujardin, le président du Conseil italien Mario Monti et son homologue espagnol Mariano Rajoy. On peut en revanche s’étonner que n’y soient entrés que cette année le chirurgien Jean-Michel Dubernard, le cuisinier Pierre Gagnaire, la chaîne Al-Jazira, le comédien Michael Lonsdale et le scénariste Jean Van Hamme.
Il convient enfin de savoir que des dictionnaires spécialisés sont également proposés par ces grandes maisons d’édition. Larousse — qui appartient d’ailleurs à Hachette — excelle dans les synonymes, homonymes, expressions, citations et autres conjugaisons. De son côté, Hachette décline une production par tranches d’âge : benjamin, junior, collège.
J.É.
Le Petit Larousse illustré 2013, Paris, Larousse, 2012, XXXII [présentation dont grammaire et conjugaison] + 1998 + LXXII [chronologie] pages ; cette version grand format (19 x 28 cm) vaut 45,90 €, la plus petite (14,8 x 22,6 cm) étant vendue 30,50 €
Dictionnaire Hachette 2013, Paris, Hachette, 2012, 1852 pages [y compris règles et partie encyclopédique] ; il est vendu 20,90 €
Il y a 700 ans
10 avril 1312 : Lyon dans le royaume de France
Les XIIe et XIIIe siècles furent le théâtre d’une lutte pour le pouvoir lyonnais entre bourgeois, archevêques et le chapitre et ses chanoines, comtes de Lyon. En théorie, le Saint-Empire romain germanique exerçait son autorité sur notre ville mais l’empereur Frédéric Barberousse, en 1157, confirmant son désintérêt pour ces terres lointaines, avait cédé à l’archevêque la souveraineté effective sur le Lyonnais. Dès lors, ce gouvernement ecclésiastique fut de plus en plus contesté par les habitants. Des affrontements successifs – au cri, en 1269, de « Avant ! Avant ! Lion le melhor ! » – vont permettre au roi d’intervenir une première fois, avec un arbitrage de saint Louis en 1270 qui marquait l’intérêt des Capétiens pour la cité. L’archevêque ayant ensuite amorcé une alliance avec le puissant duc de Savoie Amédée V, les Lyonnais finirent par recourir à la protection royale et cette fois c’est l’entreprenant Philippe IV le Bel qui, en 1295, prit la ville sous sa coupe avec la nomination d’un « gardiateur » chargé de rendre la justice. Nouveau pas franchi en 1307 avec la signature de conventions appelées « Philippines », affirmant la souveraineté royale mais sans définir les droits des bourgeois lyonnais.
En 1310, l’archevêque Pierre de Savoie tenta de soulever le peuple, ce qui provoqua l’intervention armée des troupes de Philippe le Bel qui entrèrent à Lyon, s’emparèrent de Pierre-Scize, siège de l’archevêque, qui fut fait prisonnier. Finalement, dans une assemblée réunie à Vienne, le 10 avril 1312, les parties en présence cédèrent au roi une souveraineté pleine et entière. Lyon s’intégrait au royaume de France. En 1320 se déroulera une autre étape, avec l’affirmation d’une autorité municipale autour du « consulat ».
Gérard Chauvy
Lire sur la Seconde Guerre mondiale
Qu’ils concernent particulièrement la France ou donnent une approche plus générale, nombreux sont les ouvrages à encore aborder la Seconde Guerre mondiale. Ils permettent de faire revivre des épisodes déjà connus ou apportent des éclairages donnant l’occasion d’approfondir ces questions.
Au niveau français, on se passionnera pour l’étude de Laure Adler sur un personnage hors norme malheureusement resté très méconnu, L’insoumise. Simone Weil (Arles, Babel Actes Sud, 2012 [1ère édition : 2008], 288 pages). Ensuite, des moments et des personnages précis sont revisités par divers auteurs. Ainsi, Robert Amoudruz et Jean-Claude Carrier décortiquent un Dimanche fatal aux Glières. 26 mars 1944 (Bière / Divonne-les-Bains, Cabédita, 2011, 336 pages). Marielle Larriaga, reprenant ce qu’elle avait publié il y a quelques années chez le même éditeur dans le cadre d’un ouvrage intitulé Le Veilleur de pierre. Une enfance sous l’Occupation, propose trois petits livres sur La tragédie de Lyon 27 juillet 1944 (Brignais, Éditions des Traboules, 2012, 152 pages), Le rendez-vous de Caluire. L’arrestation de Jean Moulin (Brignais, Éditions des Traboules, 2012, 144 pages) et Une enfance lyonnaise sous l’Occupation (Brignais, Éditions des Traboules, 2012, 160 pages)
Tout à côté, l’Association Mémoire du lycée polonais Cyprian-Norwid détaille ce qu’ont été Des résistants polonais en Vercors. La saga du lycée polonais Cyprian-Norwid. Villard-de-Lans 1940-1946 (Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2012, 176 pages). De même, grâce à Nicole Giroud, sont retracés Mission et calvaire de Louis Adrien Favre. La filière franco-suisse (Bière / Divonne-les-Bains, Cabédita, 2012, 256 pages). Puisque le P. Favre était un ecclésiastique, mentionnons l’approche très nuancée de Sylvie Bernay sur L’Église de France face à la persécution des Juifs 1940-1944 (Paris, Cnrs Éditions, 2012, 528 pages).
On trouvera également d’intéressants développements dans deux études spécifiques débordant largement la période. D’abord, Frédérick Genevée revient sur La fin du secret. Histoire des archives du parti communiste français (Paris, L’Atelier, 2012, 176 pages). Ensuite, Jean-Marie Goulemot et Paul Lidsky rappellent ce que fut Heil de Gaulle ! Histoire brève et oubliée du stalinisme en France (Paris, La Librairie Vuibert, 2011, 176 pages). Par ailleurs, Martin Jungius démonte Un vol organisé. L’État français et la spoliation des biens juifs 1940-1944 (Paris, Tallandier, 2012, 528 pages).
Au niveau européen, on suit, sous la plume de François Kersaudy, le combat de Churchill contre Hitler. Norvège 1940, la victoire fatale (Paris, Tallandier, 2012 [1ère édition : 1987], 368 pages). Enfin, Christian Baechler montre sans fard Guerre et exterminations à l’Est. Hitler et la conquête de l’espace vital (Paris, Tallandier, 2012, 528 pages).
J.É.