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Historique des éditoriaux:

Editorial et articles de la lettre numéro 97

  du 16/10/2019

Editorial de : Jean Etèvenaux

Toutes les confluences menaient à Régis Neyret

   Parmi les divers ouvrages que Régis Neyret avait écrits, il en est un, Lyon 25 siècles de confluences, sorti aux Éditions de l'Imprimerie nationale en 2001, qui résumait à la fois son engagement et sa conception de la ville qu’il avait faite sienne.
   Il n’avait pas pris Lyon pour la garder mais pour la répandre, à l’image de ses deux grands fleuves qui débordent volontiers mais qui irriguent tout autant. Il avait compris que Lyon n’existait jamais mieux que lorsqu’elle se donnait et qu’elle se dépensait en rendant tout ce qu’elle avait reçu. Bien avant les politiques et même les urbanistes qui ont su exploiter les diverses réalités des confluences, il avait poussé les Lyonnais à mettre en avant leur ville, à valoriser leurs réalisations et à partager leur ouverture.
   Homme de culture, journaliste et collectionneur, il avait irrigué les hommes et les lieux avec sa coutumière affabilité. Un peu ignoré des jeunes générations, il avait pourtant porté haut le flambeau de la métropole en obtenant le classement en secteur sauvegardé du Vieux Lyon et en préparant l’inscription au patrimoine de l’humanité de l’ensemble de ces quartiers restés occupés depuis deux millénaires.
Il serait fort injuste d’oublier son épouse Annie, décédée quelques mois avant lui, et qui partagea ses combats avec un franc-parler dont lui-même se gardait en public. Grâce à eux, la Renaissance du Vieux Lyon et le Patrimoine rhônalpin — adjectif créé par Régis Neyret et devenu aurhalpin avec l’élargissement de la région en 2016 — auront amené des générations d’amoureux du passé à agir concrètement en faveur de sa pérennité.
La dernière confluence aura, lors de ses obsèques, rempli la primatiale Saint-Jean le jeudi 19 septembre.

 

Coup de cœur pour La transparence du temps

   Leonardo Padura offre à son lecteur un nouveau grand roman lyrique et policier, La transparence du temps. Son héro favori, Mario Conde, ex-flic à la retraite, ouvre le récit avec sa forte appréhension du temps qui passe imperceptiblement et inexorablement. Il redoute « le jour, pour lui inconcevable, bien qu’agressivement définitif et réel où il aurait soixante ans »…  « Que lèguerait-il ? Rien de rien ».
Cette interrogation sur ce qui nous vient du passé, et que nous sommes en mesure de transmettre, est un des fils conducteur du roman. C’est elle qui donne cette nuance transparente à une temporalité historique, que Padura nous fait traverser par histoires emboitées et croisées, du Moyen Âge au temps présent.
   Un ancien camarade de classe de Mario, le charge de retrouver une vierge noire ancienne, léguée par son grand-père ; elle lui a été volée par son ex-amant, beau gosse mais opportuniste. Cette vierge d’une grande valeur, difficile à écouler, ne peut intéresser que des connaisseurs fortunés : les marchands d’art de La Havane, en liens avec l’Europe ou Miami. Conde navigue alors entre les plus sordides bidonvilles, où pourrait se cacher ce jeune voyou , et les somptueuses villas des richissimes marchands, receleurs égale-ment mais de haut vol, avec carnets d’adresses protecteurs. Car à La Havane, si l’essentiel de la population plonge dans la misère et la ville dans la décrépitude, il y a des « gagnants » de l’ouverture économi-que, pilleurs des derniers biens de valeur du pays.
   Mais cette vierge semble posséder un pouvoir : depuis les Croisades, elle a traversé des époques tourmentées comme la chute des templiers à Saint-Jean d’Acre ou la guerre civile espagnole en Catalogne. Or à chaque fois elle a été sauvée, par de jeunes héros poussés malgré eux à des actes de bravoure comme dictés à la fois par leur désir de liberté et une détermination inconsciente qui les dépasse. Condé agit lui-même avec obstination et intuition mêlées .Sa prise de risque bien réelle apportera un heureux dénouement au récit.
Odile Gasquet
Leonardo Padura, La transparence du temps, Paris, Anne-Marie Métailié, 2019, 448 pages

 

Héroïnes de bd

  Continuant sa pénétration de La sagesse des mythes (Glénat), Luc Ferry met en scène Orphée et Eurydice, précédé de Déméter et Perséphone, dû à Clotilde Bruneau et Diego Oddi et qui montre le délicat rapport avec la mort. Olivier Legrand et Annabel, reprenant le merveilleux qui a enchanté le Moyen Âge, racontent Olwen fille d’Arthur (Vents d’Ouest) avec un premier tome permettant de comprendre La demoiselle sauvage qu’ils ont inventée — l’Olwen du cycle arthurien est un tout autre personnage. Il faut en revanche bien dire que les mythes médiévaux ne constituent qu’un prétexte à la présentation des Orgies barbares (Tabou), dont Hartmann vient de sortir le tome VI dans son habituelle approche érotique.
On arrive maintenant dans des mondes entièrement créés par les auteurs de bd ou repris de romanciers contemporains. Ainsi de la trilogie de La quête d’Ewilan de Pierre Bottero, avec le personnage d’Ellana (Glénat), que son quatrième tome, L’envol, toujours concocté par Lylian et Montse Martin, décrit à la fois impétueuse et hésitante. Situation un peu semblable pour Druuna (Glénat), plongée dans un mélange de réel et de fantastique pour un cinquième tome, Celle qui vient du vent, dans lequel Paolo Eleuteri ne cache pas plus que dans les précédents les rondeurs de la belle. Olivier Vatine et Alberto Varanda, eux, se confrontent à la manière des Anciens au vieux mythe des enfers avec La mort vivante, transposé sur Mars dans un contexte de science-fiction. Beaucoup plus débridée apparaît l’histoire d’Oniria Genesis (Graph Zeppelin), qui permet à Ferran Xalabarder de développer une intrigue plus que surréaliste mais aux multiples références, notamment littéraires.
Retour sur terre, maintenant. Mais sur une terre qui se situe Après l’enfer (Grand Angle). Pour ce premier tome, Le jardin d’Alice, Damien Marie et Fabrice Meddour s’inspirent évidemment de Lewis Carroll, mais décortiquent surtout les horreurs de la fin de la guerre de Sécession et de la période suivante dans le Sud ; atmosphère triste, cruelle et lugubre garantie. Beaucoup plus dynamique et exaltante apparaît l’intrigue de Pur-sang (Glénat) : ce premier tome invite à suivre Red Bird, une pouliche évidemment dessinée par Michel Faure sur un scénario de Rodolphe dans le Zimbabwe de Robert Mugabe où pénuries et tensions se multiplient.
Un peu de fantastique contemporain avec le retour, plus de soixante-dix ans après son apparition, de Miss Fury (Graph Zeppelin) : Corinna Bechko et Jonathan Lau l’emmènent dans une Fugue en si mineur qui ressuscitent le New York des débuts de la Seconde Guerre mondiale lorsque quelques truands entendaient y faire la loi.
Gihé

À la redécouverte d’Henry Bordeaux

    Personne n’était en retard ce samedi 14 septembre pour découvrir la propriété du Maupas, montée de Vimines, à Cognin, juste à côté de Chambéry, puisque le dernier des dix participants était là à 11 heures moins cinq. Les autres avaient déjà fait connaissance avec Philibert du Roure, petit-fils d’Henry Bordeaux. Son épouse avait préparé une réception chaleureuse avec vin blanc de Savoie — celui provenant des coteaux du Lac chanté par Lamartine — accompagné de beaufort et de beaucoup d’autres gourmandises. La maison rose fort bien conservée abrite des souvenirs de l’écrivain présents dans chaque pièce et l’on ne serait pas surpris de le voir apparaître en ces lieux. La visite de la maison, toutefois, a dû se faire en deux groupes sous la direction de son actuel propriétaire.
   Puis tout le monde s’est retrouvé dans la salle à manger pour une première intervention de Philibert du Roure sur l’historique du domaine du Maupas. Il a expliqué comment son aïeul partit à la guerre le 1er août 1914. Jean Étèvenaux apporta à son tour un autre regard sur l’écrivain de la Grande Guerre, dont la vie a été marquée par le conflit. Ses propos ont été approuvés par le petit-fils, qui a continué avec l’élection à l’Académie française d’Henry Bordeaux, puis de Maupas comme source d’inspiration et lieu de travail. Il a évoqué de nombreuses anecdotes tirées des notes de son grand-père et qui, chacune, donnaient une facette de celui qui a rencontré les plus grands hommes de son temps. Cette maison était autrefois surnommée « vide-bouteilles » car utilisée au moment des vendanges du domaine qui produisaient donc un « vin de Bordeaux ». L’écrivain a été un auteur à succès avec 270 titres, dont un grand nombre est encore présent dans les bibliothèques américaines. Traduite en de nombreuses langues, son œuvre a été entièrement écrite à la main.
   Les échanges se sont poursuivis au restaurant Le Savoyard, autour d’un excellent menu très savoyard. Puis la rencontre a pris fin vers 14 heures, suivie pour certains d’une promenade dans le centre historique de Chambéry.
Alain Larchier

 

Pour le 250e anniversaire de Napoléon
    
   Le 15 août 2019 a vu le 250e anniversaire de la naissance de Napoléon. Voici d’abord la réédition d’une étude d’un homme de gauche, Élie Faure, Napoléon (présenté par Michel Bernard, Paris, Perrin, 2019 [1re édition : G. Crès et Cie, 1921], 272 pages). Deux spécialistes, ensuite, donnent leur vision : Thierry Lentz avec Napoléon. L’album (Paris, Perrin, 2015, 240 pages) et David Chanteranne avec Napoléon aux cent visages (Paris, Cerf, 2019, 216 pages). Jean Tulard s’attache à Napoléon chef de guerre (Paris, Tallandier, 2015 [1re édition : 2012], 384 pages). Jacques Garnier décrit L’art militaire de Napoléon (Paris, Perrin, 2015, 352 pages) cependant que Jean Tulard détaille Le monde selon Napoléon (Paris, Tallandier, 2015, 352 pages) et que Vincent Haegele s’attarde sur Napoléon et les siens. Un système de famille (Paris, Perrin, 2018, 436 pages).
Jean et Marie-José Tulard font comprendre Napoléon et 40 millions de sujets. La centralisation et le Premier Empire (suivi d’un Dictionnaire des 134 départements à l’apogée du Premier Empire, Paris, Tallandier, 2014, 414 pages). En complément, Jacques-Olivier Boudon décrypte L’Empire des polices. Comment Napoléon faisait régner l’ordre (Paris, Librairie Vuibert, 2017, 336 pages). Un problème particulier est analysé dans deux ouvrages : Jacques-Olivier Boudon et Rémy Hême de Lacotte ont rassemblé des études sur La crise concordataire. Catholiques français et italiens entre Pie VII et Napoléon 1808-1814 (Paris, Éditions SPM, 2016, 224 pages) et Christophe Beyeler a, lui, réuni des textes sur Pie VII face à Napoléon. La tiare dans les serres de l’Aigle. Rome, Paris, Fontainebleau 1796-1814 (Paris, Réunion des musées nationaux, 2015, 248 pages).
Émile Kern se penche sur Napoléon deux cents ans de légende. Histoire de la mémoire du Premier Empire (Paris, Soteca, 2016, 240 pages). Évidemment, on en découvre des sources dans Napoléon Bonaparte en verve (présentation et choix de Pierre Chalmin, Paris, Horay, 2016, 128 pages). Il en est de même avec Napoléon Ier ou la légende des arts 1800-1815 (Paris, Réunion des Musées nationaux, 2015, 200 pages) et avec Napoléon. Images de la légende. Images of the Napoleonic Legend (Paris Arras, Éditions Somogy / Musée des Beaux-Arts d’Arras, 2017, 1392 pages). Le plus fabuleux, on le sait, proviendra de Napoléon à Sainte-Hélène. La conquête de la mémoire (Paris, Gallimard / Musée de l’Armée, 2017, 280 pages). Enfin, Serge Joyal déroule Le mythe de Napoléon au Canada français (Montréal, Del Busso Éditeur, 2013, 576 pages).
Jean Étèvenaux

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