Editorial de : Jean Etèvenaux
Ce samedi 23 septembre, nous découvrirons, au-delà des légendes, ce qu’on appelait autrefois un maître de vie. Nizier-Anthelme Philippe (1849-1905), souvent dénommé Maître Philippe de Lyon, fut un homme de foi à la vie et aux dons surprenants au tournant des XIXe et XXe siècles.
Ce Savoyard d’une famille de modestes paysans débute, à 14 ans, comme apprenti boucher chez son oncle à La Croix-Rousse. Recevant des gens malades, il soigne et obtient des guérisons immédiates. Voulant régulariser sa situation, il s’inscrit à la faculté de médecine mais n’obtiendra jamais son diplôme. Cela le fera renvoyer de l’hôpital pour pratique illégale de la médecine, mais il recevra le diplôme de trois universités étrangères. Alors, au 35 de la rue Tête-d’Or, il accueille, chaque jour pendant plus de vingt ans, une centaine de personnes. On le consulte pour des maux, mais aussi des choix de vie ; il répond à toutes les demandes, sans jamais se faire payer car son mariage avec Jeanne-Julie Landar, d’une riche famille, l’a mis à l’abri du besoin matériel. Chez lui, ni magnétisme, ni spiritisme, ni tours de passe-passe. Il diffuse un message d’amour et de tolérance, demandant aux uns et aux autres d’aimer leur prochain, de cesser les médisances et les petitesses en suivant les enseignements du Christ.
Pourchassé toute sa vie par la médecine et la police, malgré de nombreux témoignages passés devant notaire pour le protéger, il a été critiqué pour n’avoir pas pu sauver sa fille Victoire, morte à 25 ans, le drame de sa vie. Sollicité par de nombreuses cours d’Europe, notamment en Russie, il voit sa tombe à Loyasse toujours fleurie, notamment au jour anniversaire de sa naissance, le 25 avril.
Il est lié à L’Arbresle d’abord par sa belle-famille, ensuite par les fonctions d’adjoint au maire et de capitaine des sapeurs-pompiers qu’il y a exercées.
Les bugnes
Alain Larchier a retrouvé ce que Clair Tisseur (1827-1895), dans ses Vieilleries lyonnaises, disait des bugnes. Ce Fidésien un peu particulier — en tant qu’architecte, il a réalisé une dizaine d’églises, dont la plus connue est Sainte-Blandine — affectait un goût particulier pour les pseudonymes, puisqu’il a écrit sous quarante-cinq noms différents. Le plus connu reste Nizier de Puitspelu.
Par toute la France, c'est le dimanche des Brandons. A Lyon, c'est le dimanche des Bugnes. Jusqu'aux plus simples savent qu'on appelle le premier dimanche de carême le dimanche des Brandons parce que, jadis, le populaire avait accoutumé, ce jour-là, d'allumer des feux autour desquels on dansait. De l'origine de l'usage, je ne sais rien. Je ne sais non plus s'il existe encore sur quelques points du Lyonnais. Il va se perdant au pays que j'habite, mais il n'a point disparu complètement, et demain au soir, de la fenêtre de la chambre où j'écris, je verrai s'allumer cinq ou six feux dans les granges isolées de la montagne.
De mémoire des plus anciens, à Lyon, on appelle le dimanche des Brandons le dimanche des Bugnes, pour autant que c'est le premier dimanche maigre de carême et que, à seule fin de se réjouir encore un peu à l'occasion du feu carnaval, on y mangeait force bugnes.
La bugne! voilà qui ne se connaît qu'à Lyon. A dix lieues on ne sait plus ce que c'est. Pour nos pères, c'était la grande consolation des longs jours de carême. C'est que le carême ne badinait point en ces temps. Le jeûne et le maigre duraient quarante jours, d'arrache-pied. Un seul repas, à midi; le soir, une collation où n'entraient ni poissons, ni œufs, ni beurre, ni lait, ni fromage. Ainsi que le cerf soupire après les fontaines, ainsi, à mesure que s'approchait Pâques, soupirait-on après un tronçon de cervelas fumant !
Comment se fabriquent les bugnes ? L'on sait que c'est une poignée de pâte, façonnée en couronne et frite dans l'huile. Mais de quoi se compose la pâte ?
A priori j'ai affir-mé : il n'y entre ni beurre, ni œufs, ni lait. Mon argument est que, de tout temps, les bugnes « ont été collation », comme cela se disait. Cependant je n'ai pas voulu m'en tenir à cette raison démonstrative, trop purement cartésienne, et j'ai tâché à véritablement, à la façon moderne, adressé à un mien ami compétent, Guénardes, érudit comme pas un. Je ne saurais faire mieux dire.
Le sieur des Guénardes me donne l'opinion de gens qui ont parlé sans savoir, comme, hélas trop de Français. L'un dit qu'il y faut des œufs, sans quoi la pâte serait caffie, l'autre, du beurre. Ni les uns ni les autres n'en savent rien. Puis le sieur des Guénardes continue : à l’issue d'une conférence sérieuse, tenue le mercredi, 24 de février, es boutique du sieur Prost, maître pâtissier en rue Saint-Jean, entre le susdit sieur des Guénardes, la dame Prost, maîtresse de cette ancienne maison de pâtisserie, et le sieur N, marchand de farine en la même rue, lequel s'étant arrêté sur l'huis de la boutique, pour traicter d'affaires avec la dame Prost, a pris part à la discussion et lui a fourni ce qu'il en savait, il a été reconnu que les bugnes ne contenaient ni laict, ni beurre, ni œufs, et se faisaient avec de la farine, de la levure de bière ou de grain ensemble délayé dans de l'eau et frit dans l'huile; le tout est de bien frire.
L’Histoire en bd
Romancée ou pas, véridique ou approximative, proche ou lointaine, à visée pédagogique ou servant de prétexte, l’Histoire reste un formidable cadre pour la bande dessinée — quand elle n’en constitue pas le premier centre d’intérêt. Elle fournit en effet un cadre d’évasion que scénaristes et dessinateurs savent utiliser à merveille.
Le philosophe Luc Ferry continue à patronner l’excellente série de La sagesse des mythes, publiée chez Glénat, et qui montre combien les dieux de l’Olympe aident, à travers leurs démêlés, à comprendre la vie des hommes de tous les temps. Dans Persée et la gorgone Méduse, Clotilde Bruneau, servie par le crayon de Giovanni Lorusso, amène à réfléchir sur la mort au-delà d’une destinée tragique. Par le premier tome d’Héraclès, la même Clotilde Bruneau et Annabel exposent comment La jeunesse du héros va l’amener à combattre sans cesse et pourquoi, finalement, ce demi-dieu fils de Zeus n’aura jamais de repos parmi les humains.
Le XVIe siècle se trouve tout en contraste. S’inspirant de Didier Convard et du regretté Gilles Chaillet, Éric Adam et Thibaud de Rochebrune relient leur Michel-Ange (Glénat) à l’Antiquité autour d’une belle intrigue policière qui nous vaut le premier tome, Le banquet des damnés. À l’autre extrémité et débordant sur le XVIIe, Gilbert Bouchard fait revivre Ce diable de Lesdiguières (Glénat) avec un talent servi autant par la rigueur historique que par un dessin précis et des couleurs chatoyantes.
Plus proche de nous, voici le Robespierre (Glénat / Fayard) de Mathieu Gabella et Roberto Meli, traité avec une empathie permettant de comprendre ce à quoi le personnage s’est laissé aller. Un peu de dépaysement, ensuite, avec le premier tome des Maîtres de White Plain (Bamboo) où Édouard Chevais-Deighton et Antoine Giner-Belmonte font revivre le sud de la Louisiane dans la première moitié du XIXe siècle dans un premier tome où se forgent des Liens de haine. Peu après se poursuit la saga des Troupes de marine (Éditions du Triomphe), superbement ressuscitées par René Le Honzec et Serge Saint-Michel dans le deuxième volume, “Les bâtisseurs d’empire“.
La Première Guerre mondiale est abordée sous trois aspects fort différents. Jean-Yves Le Naour et Iñaki Holgado racontent L’agonie du fort de Vaux, deuxième tome de Verdun (Bamboo). Ozanam et Denis Rodier décrivent la trajectoire de Lénine (Glénat / Fayard). Gaëtan Évrard et Dominique Bar, eux, font revivre un événement dont on vient de célébrer le centenaire, Fatima. Le jour où le soleil dansa… (Éditions du Triomphe).
On entre ensuite dans la période de l’entre-deux-guerres. Son côté insouciant propre à toutes les combines se manifeste, grâce à Laurent Galandon et Frédéric Blier, dans La parole du muet (Bamboo), dont le deuxième tome réunit La bergère et le malfrat. Les aspects inattendus de certaines situations et même de certains personnages avaient retenu l’attention de Marcel Pagnol, dont Serge Scotto, Éric Stoffel et A. Dan ont adapté la surprenante pièce Jazz.
Et revoici la guerre, à nouveau mondiale. Philippe Glogowski et Patrick Deschamps se sont penchés sur Les fantômes de Katyn 1940 (Éditions du Triomphe), où l’on voit comment la duplicité soviétique a secondé l’horreur nazie. Au sortir de cette sombre période, Cédric Mayen et Lucy Mazel racontent une jolie et passionnante histoire qui finit pourtant mal, Edelweiss (Vents d’Ouest).
On reprendra du tonus avec un nouvel épisode de la saga des 24 heures du Mans (Glénat), dans lequel Denis Bernard, Christian Papazoglakis et Robert Paquet s’attardent sur un moment aussi court que fabuleux, 1972-1974 : les années Matra (Glénat). Enfin, Alexandre Ilic et Nicolas Musique aident à faire connaître les Générations Lions. Voyage au cœur du centenaire (Éditions du Signe), album destiné à mettre en valeur, pour ses cent ans, la plus grande ong du monde.
Gihé
Comprendre l’islam par les livres
En ce qui concerne les généralités, Frédéric-Marc Balde propose L’islam (Paris / Les Plans sur Bex, Parole et Silence, 2012, 182 pages) tandis que Malek Chebel résume L’islam en 100 questions (Paris, Tallandier, 2015 [1re édition : La Boétie, 2013], 304 pages) et que Samia Amor, Mohamed Fadil et Patrice Brodeur proposent un ensemble sous le titre L’islam. Regards en coin (Québec / Paris, Hermann / Presses de l’Université Laval, 2015, 156 pages). De son côté, Arnaud Dumouch tente de pénétrer Le mystère de l’islam (Avignon, Docteur Angélique, 2008, 148 pages) et Ali Sina La psychologie de Mahomet et des musulmans, Paris (Tatamis, 2015 [édition originale en anglais : Understanding Muhammad and the muslims, Freedom Bulwark, 2011], 488 pages). Hassan Hathout s’efforce de Lire dans la pensée d’un musulman (Barcelone, Consestruc Éditions, 2016 [édition originale en anglais : Oak Brook, American Trust Publications, 1997], 166 pages). Enfin, dans une rétrospective historique, on retrouvera les propos de Voltaire dans Du Coran et de la loi musulmane (Paris, L’Herne, 2015, 80 pages).
Si l’on regarde concrètement le monde musulman, celui-ci reste assez diversifié, comme le montre un de ses meilleurs spécialistes, Olivier Roy, parti En quête de l’Orient perdu (entretiens avec Jean-Louis Schlegel, Paris, Seuil, 2014, 324 pages). Malik Bezouh, lui, n’hésite pas à parler de la Crise de la conscience arabo-musulmane (Paris, Fondation pour l’innovation politique, 2016, 409 pages) en même temps qu’Henri de Saint-Bon montre L’islam éclaté. Ses multiples branches et ramifications des origines à nos jours (Paris, Salvator, 2016, 192 pages). Plus profondément, Annie Laurent interroge : L’islam peut-il rendre l’homme heureux ? (Perpignan, Artège, 2012, 80 pages).
Abdelghani Benamara et Khalil Temmar ont collecté diverses opinions favorables sur Le prophète Mohammed… L’Occident témoigne (Paris, Le Relais, 2012, 64 pages). On aborde ainsi une littérature très favorable à l’islam. Est par exemple exposé comment Cheminer vers l’islam (traduit et commenté par Abdallah ben Mansour et Bakiba Diabi, La Courneuve, Éditions Bayane, 2012 [2e édition], 56 pages). Un converti, Simon Alfredo Caraballo décrit son itinéraire : Mon grand amour pour Jésus m’a conduit à l’islam ([Arabie saoudite], Gharb alnaseem Bushrak, sd, 160 pages). Abdul-Rahman Al-Sheha peut alors expliquer Comment devenir musulman (Ryad, Islamland Com, sd, 160 pages). Du coup, Karim Achoui, en collaboration avec Samim Bolaky, lance : Musulmans quels sont vos droits ? 101 réponses pratiques aux questions que vous vous posez (Paris, Hors Lignes éditions, 2014, 286 pages).
Dans le concret, il est intéressant de découvrir, grâce à Vincent Tournier, le Portrait des musulmans d’Europe : unité dans la diversité (Paris, Fondation pour l’innovation politique, 2016, 68 pages) et, grâce à Nadia Henni-Moulaï, le Portrait des musulmans de France : une communauté plurielle (Paris, Fondation pour l’innovation politique, 2016, 46 pages). Des approches variées ont été réunies sous la direction de Franck Fregosi pour discerner Le devenir de l’islam en France (Paris, Desclée de Brouwer, 2013, 180 pages). Pour Élisabeth Schemla, il y a un problème : Islam, l’épreuve française (Paris, Plon, 2013, 272 pages) et, pour Farid Abdelkrim, l’alternative est simple : L’islam sera français ou ne sera pas (Paris, Les Points sur les i, 2015, 128 pages). Lina Murr Nehmé n’hésite pas à mettre en cause Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur. Ce qu’ils cachent (Paris, Salvator, 2017, 254 pages). Enfin, sous la direction de Vincent Trémolet de Villers se déroulent sans concession des Conversations françaises. École, islam, Europe, laïcité… Débats en toute liberté (Paris, Cerf, 2016, 304 pages).