Editorial de : Jean Etèvenaux
Du salon à la boîte à livres
Le salon d’autrefois — et encore un peu d’aujourd’hui — constituait un lieu privilégié pour la lecture. Il y eut même une grande époque, du XVIIe au XIXe siècle, où il était régi par des femmes, de Mlle de Scudéry à Mme Récamier en passant par Julie de Lespinasse et de nombreuses autres égéries, dont plusieurs étaient elles-même autrices, telles Marie-Madeleine de La Fayette ou, plus tard à Lyon, Adélaïde Yemeniz. Ces dames, qui auront incarné une forme de suprématie féminine, avaient d’ailleurs la
bonté d’accueillir quelques hommes dans leur entourage.
Reconnu pour sa convivialité, le salon, un peu comme le fumoir ou l'antichambre, a souvent dû s’effacer. Il a laissé la place soit au bureau soit à une de ces pièces
plus ou moins multifonctionnelles dans lesquelles il faut souvent cohabiter avec la télévision .
Reste un autre espace, récemment apparu mais malheureusement dépourvu de cette chaleur humaine émanant d’un groupe de personnes
s’écoutant autant que parlant. Il s’agit de la boîte à livres, placée un peu partout par les municipalités, les bibliothèques et les associations, voire même les hôtels soucieux d’un vernis culturel. De toutes les formes, on ne la méprisera pourtant pas puisqu’elle constitue un nouveau lieu de sociabilité, quoique très individualisée. Elle n’apporte certes pas de revenus aux libraires, mais on peut se consoler en notant qu’au moins une partie de ses utilisateurs ytrouvent l’essentiel de leurs lectures.
J.É.
Quand le patrimoine lyonnais s’expose
Les illuminations du 8 décembre, même plus ou moins déchristianisées, rappellent de grands moments de l’histoire lyonnaise. Cela s’exprime non seulement à travers la fête de la Vierge et la mémoire de la vieille chapelle de Fourvière mais aussi par la mise en valeur, à grands coups de projecteurs, de nombreux bâtiments jalonnant les deux mille ans de la cité. Cette dimension patrimoniale, souvent étrangère aux préoccupations de l’actuelle municipalité, a eu l’occasion de s’exprimer abondamment à travers une série d’expositions. Elles ont montré des Lyonnais fiers de leur passé et heureux de s’inscrire dans une grande tradition.
Puisqu’on parle de la célèbre basilique, le musée qui s’est développé à son ombre a choisi d’insister sur les donations qui, surtout ces quarante dernières années, ont permis d’offrir au public aussi bien des objets de piété que des œuvres de grande valeur artistique ou historique. Se côtoient ainsi les missels du chef Pierre Orsi, les vêtements liturgiques des dominicaines de Sainte-Catherine de Ricci (à Crépieux-la-Pape), un ostensoir d’Armand-Calliat ou une gravure représentant Pie VII sur la Saône. C’est l’occasion de rappeler que, juste en-dessous, l’Eccly, l’Espace culturel du christianisme à Lyon, a fêté, le 14 décembre, les dix ans de son installation dans l’ancien hôpital de l’Antiquaille pour raconter le long développement du christianisme dans la cité de saint Pothin et de saint Irénée.
En descendant la colline jusqu’au Vieux-Lyon, on arrive dans le remarquable ensemble muséal portant le nom de cette famille italienne qui n’y vécut pas très longtemps mais y laissa son empreinte à la Renaissance, les Gadagne. D’une manière très lisible on découvre aujourd’hui toute l’histoire architecturale d’un des plus vieux bâtiments lyonnais — la première occupation des sols remonte à l’an 76 av. J.-C. — ainsi que les extraordinaires aménagements littéralement taillés dans le rocher à partir de 1998. Ce condensé de l’histoire du site fait évidemment écho à celui de l’ensemble patrimonial urbain retenu par l’Unesco.
Il y a aussi la vision plus récente que l’on peut retenir de l’héritage de la Révolution dans le Rhône et à Lyon, selon le sous-titre de l’exposition Ruptures et Fondations présentée par les Archives départementales et métropolitaines. Sans rien cacher de la sanglante brutalité de la Terreur organisée essentiellement par Fouché et Collot d’Herbois, elle aura contribué à mesurer les changements apportés par une période qui, après avoir permis à chacun de « faire connaître ses opinions », avait décidé de « refuser la parole et réprimer l’opposition ». On a pu compléter cette approche, mais sur une période plus large, par la sérénité apportée dans une des dernières manifestations de Tomaselli Collection, « Masculin / Féminin : la beauté dans l'art du XVIIe siècle à nos jours » : elle a heureusement remis en valeur les nus et autres figurations physiques originaires de la région, lesquelles n’étaient pas sans questionner sur le devenir du corps.
Tout n’a pu être ici inventorié. Mentionnons simplement un autre exemple, rappelant la place que la cité a tenue dans le développement de la bande dessinée, de la Libération jusqu’à l’extrême fin des années 90 : une conférence, le 26 novembre aux Archives municipales, a fait ainsi revivre les super-héros américains traduits, adaptés et diffusés ici même. Pour rester dans le domaine visuel, on conclura volontiers par le magnifique spectacle donné dans la primatiale Saint-Jean du 18 octobre au 17 novembre, qui a retracé le développement de la cité de Lugdunum à aujourd’hui en juxtaposant harmonieusement éclairages de toute la nef et évocations par grands groupes de figurants ; Lyon née de la lumière a ainsi habilement mêlé héroïsme et vie quotidienne.
Jean Étèvenaux
Signé Olrik, une grande réussite
Le trentième volume des aventures du capitaine Blake et du professeur Mortimer, Signé Olrik, sorti aux éditions Blake et Mortimer, doit être recommandé sans aucune réserve aussi bien pour l’histoire mise en images que pour les multiples clins d’œil qui la parcourent. À côté du scénariste Yves Sente, auteur de huit autres volumes depuis La machination Voronov en 2000, les dessins ont été réalisés, pour la septième fois, par André Juillard, un des plus talentueux auteurs de ce qu’il est convenu d’appeler la ligne claire, décédé le 31 juillet dernier. L’ouvrage repose sur l’habituel mélange de références au monde de Jacobs et d’innovations propres à cette dernière intrigue. Tandis que Francis Blake reste égal à lui-même dans ses responsabilités à l’Intelligence Service, Philip Mortimer se révèle l’heureux inventeur d’une excavatrice, sorte de tunnelier opportunément dénommé la Taupe et manifestement, aussi surprenant que cela puisse paraître, inspiré du mythique Espadon imaginé par Jacobs.
On regrettera certes une espèce de confusion entre les migrants venus des colonies britanniques, notamment de l’empire des Indes, et ceux d’aujourd’hui : les premiers sont présentés dans le récit comme « aussi nombreux que les locaux » et formant des « flots d’immigrés » alors que leur nombre s’établissait, à l’époque, à quelques dizaines de milliers pour l’ensemble du pays. Ensuite, l’un des principaux personnages est un ecclésiastique présenté comme le « père Michael Joseph, de la paroisse de Longval », dont l’habit de clergyman semble plus proche de celui des catholiques que des anglicans, mais auquel, de toute façon à cette époque, on ne se serait pas adressé autrement qu’en l’appelant abbé ou révérend.
Le coin de Cornouailles où se déroule l’aventure se prête en tout cas merveilleusement au mélange des réalités et des légendes. D’abord parce que nous sommes dans un des lieux rattachés à la légende d’Arthur, ce qui est habilement développé dans l’album, qui jongle entre diverses traditions et l’inventivité des auteurs. De même, Excalibur, l’épée magique d’Arthur, se trouve mise en scène. Les paysages sont, selon les habitudes minutieuses d’André Juillard, savamment retranscrits, quoique avec discrétion. Ainsi, dès la page 9, l’île de « Corineus » correspond tout à fait au St Michael’s Mount marquant l’extrémité occidentale de la Cornouaille. Plus tard, le lecteur est invité au château de Tintagel pour approfondir les mystères d’Arthur jusqu’à son tombeau à Avalon.
Une grande nouveauté apparaît : le colonel Olrik ne tient pas que le rôle du méchant — même si l’album commence par sa pendaison dans la prison londonienne de Wandsworth. D’une manière évoquant irrésistiblement le comportement d’un autre grand nuisible de la bd, cet Axel Borg que Jacques Martin et certains de ses successeurs ont si souvent opposé à Lefranc, le génie du mal au long fume-cigarette intervient aux côtés des deux sujets de Sa Gracieuse Majesté. Cette dernière n’est ici pas citée, mais on mentionne son mari, le prince Philip, et son fils, le futur Charles III, alors duc de Cornouailles, bien que les auteurs aient préféré ne pas exploiter le filon.
On peut donc, comme d’habitude, aller boire un whisky au Centaur Club des deux héros, vibrer avec l’« Union Jack, symbole de l’unité indéfectible de tous les Britanniques » et admettre que leur « esprit rationnel de scientifique a été sérieusement ébranlé dans cette affaire ».
Gihé
Les archives du Sénat en ligne
À l’occasion du 150è anniversaire de la République (1875-2025), le Sénat a mis en ligne le site archives.senat.fr entièrement dédié à l'histoire parlementaire, ainsi qu’à celle du Palais et du Jardin du Luxembourg.
En consultation libre sur ce site, 388 000 vues numérisées présentent la petite et la grande histoire de la haute assemblée. Le site propose également des ressources pédagogiques à destination des lycéens, enseignants, étudiants et chercheurs. Il sera progressivement enrichi, afin de mettre en ligne 935 000 vues en décembre 2026.
Ce site présente en ligne les projets et propositions de lois, procès-verbaux, rapports, comptes rendus des commissions parlementaires et des débats en séance publique depuis 1795, ainsi que les biographies des membre de la seconde chambre depuis 1814 : état civil, portraits, professions, curriculum et comptes rendus d’activité parlementaire, de la Chambre des pairs et jusqu’au Sénat des IIIe, IVe et Ve Républiques, en passant par le Sénat du Second Empire : dossiers d'élections des sénateurs (1876-1924), lettres autographes, caricatures, photographies, archives privées et un important ensemble de documents sur la Révolution française (collection Pixerécourt) ...
Le Sénat devient ainsi l’une des premières chambres parlementaires au monde à proposer, en partenariat avec France Archives et de nombreuses institutions, un site entièrement dédié à la valorisation de ses archives, mettant à la disposition du grand public une partie de ses trésors historiques concernant l'élaboration de la loi.
Le site Mémoire du Sénat est accessible à l’adresse archives.senat.fr et directement depuis le site senat.fr