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Historique des éditoriaux:

Editorial et articles de la lettre numéro 108

  du 26/10/2023

Editorial de : Jean Etèvenaux

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Enrichissement du vocabulaire
Le langage, tout au moins celui des bobos, se trouve en voie d’enrichissement. Et, pour une fois, ce ne devrait pas
être à partir de mots anglo-américains plus ou moins triturés.
La raison en apparaît d’ailleurs fort simple : il s’agit d’un emprunt au québécois et l’on sait que, de l’autre côté de l’Atlantique,
les francophones proscrivent toute utilisation de la langue de Shakespeare, même adaptée par Google et autres
grands donneurs d’ordre universels.
Le nouveau vocable, qui frappe tout de suite l’esprit, n’est autre que « chandail bedaine ». À l’origine, d’ailleurs, il s’agissait de trouver un équivalent au « crop top » — littéralement un « haut court », terme qui n’a pas eu l’heur de plaire à toutes ces jeunes filles se plaisant à montrer leur nombril avec plus ou moins de chair audessus.
Toujours inventifs, les Canadiens francophones ont imaginé le « chandail bedaine ». Il convient d’ailleurs de préciser que, dans la langue québécoise, le mot « bedaine » ne comporte pas l’aspect dépréciatif ou, à tout le moins, familier qu’il revêt en français, tout comme ses deux synonymes de la même étymologie, « bedon » et « bide ». Notons au passage que tous les trois viendraient d’un vieux mot français signifiant justement « nombril », que l’on trouve sous une forme à peu près semblable en occitan et en wallon, deux autres parlers romans.
On peut en tout cas estimer que le « chandail bedaine » va permettre d’allier le besoin plus ou moins exprimé de féminisation à l’envie d'exposer son individualité, y compris sur le plan corporel. On laissera aux philosophes du comportement le soin de déterminer si cette extériorisation correspond à l’envie irrémissible qu’ont certains mâles d’afficher que rien n’existe de plus beau qu'un homme montrant le
centre de l'univers : son nombril.
Ajoutons enfin que, selon des exégètes québécois, « le chandail bedaine brouille les codes du genre et ébranle les représentations sociales de la
masculinité ». Bref, il s’agit d’une nouvelle avancée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. t surtout souvenue pendant des siècles de son apparence. »

Russie et Ukraine
Traduite immédiatement après sa parution au Royaume-Uni — phénomène assez rare pour les ouvrages historiques publiés en France —, voici une
étude fondamentale sur la prise du pouvoir par les bolcheviks, Russie. Révolution et guerre civile 1917-1921 (Paris, Calmann-Lévy, 2022, 640 pages). L’-historien militaire Antony Beevor décrit, presque au jour le jour, l’extraordinaire chaos qui opposa les partisans du tsar, les affidés de Lénine, les diverses variétés de communistes, de socialistes, de libéraux et de nationalistes non-russes, certains à gauche
d’autres à droite, sans oublier les puissances étrangères, particulièrement les Allemands, les Britanniques et les Français. Dans ce
maelström, l’Ukraine tenta une première fois de vivre, avec l’aide de la Pologne, laquelle s’en tira finalement mieux.
Quatre livres traitent plus particulièrement de la Russie d’aujourd’hui à travers son président. Le premier, réalisé sous la direction de Galia
Ackerman et Stéphane Courtois, constitue Le livre noir de Vladimir Poutine (Paris, Robert Laffont / Perrin, 2022, 464 pages). Il s’agit donc
d’une approche multidirectionnelle avec, par exemple, son « obsession ukrainienne » ou « le fiasco de ses services secrets en Ukraine ». Le
deuxième, dû à Catherine Belton, présente Les hommes de Poutine.
Comment le KGB s’est emparé de la Russie avant de s’attaquer à l’Ouest(Paris, Talent, 2022, 592 pages).
C’est une description implacable à la fois de l’ascension d’un homme et du système tentaculaire enserrant le pays tout en débordant à l’étranger. De même, Jean Radvanyi montre la Russie un vertige de puissance. Une analyse critique et cartographique 1986- 2023 (Paris, La Découverte, 2023, 192 pages). Si l’on se penche sur le passé, une remarquable continuité est présentée par Yuri Felshtinsky et Vladimir Popov
dans leur De la Terreur rouge à l’État terroriste. Les services secrets russes à la conquête du monde (Paris, Cerf, 2023, 528 pages).
Michel Goya et Jean Lopez, eux, décrivent l’affrontement entre L’ours et le renard. Histoire immédiate de la guerre en Ukraine (Paris, Perrin, 2023, 352 pages). Eugène Berg veut donner une vision plus large du conflit, avant et après, avec son Ukraine, février 2023. Les racines du conflit. Son impact sur les démocraties. Un nouvel ordre mondial ? (Paris, Maisonneuve & Larose / Hémisphères, 2023, 446 pages). Constantin Sigov et Laure Mandeville, sous forme d’un entretien entre le philosophe à Kyiv et le grand reporter du Figaro, exposent le changement fondamental qui se produit dans Quand l’Ukraine se lève. La naissance d’une nouvelle Europe (Paris, Talent, 2022, 272 pages). Inspirés aussi bien par Tocqueville que par Hanna Arendt, leurs échanges insistent tant sur la nécessité de « rétablir le lien entre nazisme et communisme » que sur le désir de « construire un nouveau paradigme européen, sans amnésie ».
Il apparaît également important de suivre Le combat de nos vies. Mes années avec Zelenski. La bataille de l’Ukraine pour la démocratie (Paris, Talent, 2023, 336 pages) : Iuliia Mendel, ancienne attachée de presse du président, raconte l’affirmation d’une nation dont on ne savait trop si elle existait.
Enfin, spécialiste religieux de ces terres, Didier Rance brosse le portrait des Catholiques d’Ukraine. Un pays, une Église, un message (Paris / Perpignan, Artège, 2022, 300 pages) ; ce travail présente le mérite de réintroduire l’importance de la foi et des diverses Églises dans l’actualité ukrainienne.

 

Jean Teulé (1953-2022), créateur d’imaginaire
Jean Teulé brillait par la truculence érudite et populaire de ses propos, son goût de la dérision, son ton décalé et la présentation de ses sujets inattendus…
Touche-à-tout génial, l’homme a embrassé toutes les formes d’art à sa disposition avec le plus grand sérieux : il a débuté par la bande dessinée, après être passé par l’école d’art de la rue Madame, encouragé par Claire Bretécher et Marcel Gotlib… Il collabore, avec eux,
à L’Écho des Savanes, puis, les éditions Glénat le sollicitent pour une adaptation de Bloody Mary de Jean Vautrin. Son travail est reconnu et lui vaut un prix au Festival d’Angoulême en 1983, et, en 1989, il reçoit une mention spéciale pour sa « contribution exceptionnelle au
renouveau du genre ».
Esprit curieux, ne voulant pas s’enfermer dans une case il est entraîné, par hasard, vers la littérature, qui va révéler l’ampleur de talents nouveaux… Là encore à la faveur d’une rencontre déterminante : Élisabeth Gille, romancière et éditrice, lui fait cette confidence : « Cela fait des années que je vous entends à la télévision et que je me dis que vous êtes un écrivain qui s’ignore… Venez je vous signe un contrat. ». De cette fringale littéraire vont éclore des brassées d’ouvrages aux titres provocateurs : Le Montespan, Héloïse ouille !, Crénom, Baudelaire !, Charly 9, Entrez dans la danse, Gare à Lou ! Jusqu’à ce dernier opus rempli de moqueries et de bon sens : Azincourt par temps de pluie.
Le charme de ses ouvrages, vient d’un style inimitable, avec un amour passionné de notre langue : il jongle avec les mots à sa guise, il les triture comme Frédéric Dard, Rabelais ou Céline, cherche des assonances, des jeux de mots, des allusions phoniques, tout cela en garantissant une authenticité historique qui s’appuie sur des années de recherches dans les fonds anciens de nos bibliothèques et sur son talent de conteur.
Bienveillance et gentillesse, sympathie souriante, bonne humeur, drôlerie, paillardises, érudition, cocasserie des sujets, son style se veut populaire mais il est doublé par une vaste culture classique mise à la sauce burlesque comme dans certains romans du XVIIe siècle, ceux de Sorel, Scarron ou Furetière.
L’homme a su choyer ses lecteurs et ses lecteurs le lui ont bien rendu. Il demeure la preuve irréfutable que chacun de nous porte un trésor en lui qu’il faut dénicher. Il a su transcender le « manque d’école » par cette intuition imaginative dispensée à profusion pour notre plus grand bonheur.
Michel Loude

Tintin septante-sept
Qui n’a, un jour ou l’autre, fait référence à la célèbre devise de Tintin, « le journal des jeunes de 7 à 77 ans » ?
Le slogan a la vie dure, tout comme le héros dont aucune nouvelle aventure n’a paru depuis la mort d’Hergé en 1983, exception faite de l’inachevé Tintin et l’Alph-Art, publié en 1986. Pourtant, en ont été vendus, dans le monde entier, quelque 250 millions d’exemplaires, dont 500 000 chaque année en France.
En tout cas, on célèbre aujourd’hui ce journal dont le premier numéro est sorti en Belgique le 26 septembre 1946. En France, ce sera deux ans plus tard, le 28 octobre 1948. Voilà pourquoi sont fêtés, pour parler belge, les septante-sept ans de cet « illustré pourenfants » qui a révolutionné le monde de la bande dessinée. Le lien avec Hergé n’était d’ailleurs pas que nominal puisque le père de Tintin était le
directeur artistique de la publication, au côté des trois fondateurs des éditions du Lombard, Raymond Leblanc, André Sinave et Georges Lallemand, vite rejoints par une pléiade de grands auteurs, au premier rang desquels Edgar P.Jacobs et Paul Cuvelier.
Voilà pourquoi, conjointement avec Moulinsart, la face éditoriale de Tintinimaginatio qui gère les droits de l’oeuvre d’Hergé, Le Lombard sort un magnifique album broché de 400 pages illustrant cet anniversaire. Ce travail remarquable combine quelques études thématiques très riches, telles La longue épopée des femmes du journal Tintin et Tintin ou la multiplication des genres — pas du tout wokes —, et des reprises des grandes séries du magazine par des auteurs contemporains. Il s’est agi, confesse l’éditeur, de faire revivre, en l’actualisant, la « part d’enfance qui s’est un peu éteinte le 29 novembre 1988, le jour où la publication s’est arrêtée ». Le pari est réussi, car il va au-delà de la nostalgie et permet de comprendre comment toute la bande dessinée franco-belge a été irriguée d’abord par l’esprit et la technique d’Hergé,
ensuite par l’excellence des auteurs qui ont apporté leur contribution au magazine.
Notons avec plaisir que le monde d’Edgar P. Jacobs se taille la part du lion avec pas moins de quatre mini-aventures de Blake et Mortimer, dont L’île du loup, à la fois jacobsienne et hergéenne, réalisée par deux des multiples auteurs ayant repris la série, Jean Van Hamme et Teun Berserik. Mais on retrouvera également aussi bien Ric Hochet que Clifton, Buddy Longway que Le Chevalier blanc, Modeste et Pompon que Vasco, Yakari que Luc Orient, Cubitus que Jonathan, Bob et Bobette qu’Alix, Bob Morane que Robin Dubois, Thorgal que Prudence Petitpas ou Dan Cooper que Chlorophylle.
L’album s’achève par une planche de François Boucq, qui, seul à avoir repris un personnage d’Hergé, réussit à donner une vision aussi absurde que
réaliste de Séraphin Lampion.
Gihé

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