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Historique des éditoriaux:

Editorial et articles de la lettre numéro 103

  du 19/06/2022

Editorial de : Jean Etèvenaux

À l’Archipel Butor

Lettre 103-104

BOUCHEES DOUBLES

Ce numéro s’affiche comme double. D’abord parce qu’il accompagne les deux dernières réunions de notre association. Ensuite parce qu’il offre une pagination plus importante, correspondant à la profusion d’ouvrages qui y sont présentés, que ce soit sous la forme d’une simple recension ou avec une approche plus approfon-die.
En-dehors de toutes les informations littéraires à y découvrir, l’attention de chacun est attirée sur trois points qui constituent autant de moments de nos activi-tés et exprimant notre vie associative dans ses multiples activités. Cela montre le retour à une vie culturelle plus normale, après les deux années hachées et amputées que nous avons connues. Et cela sans qu’il soit nécessaire de demander des subven-tions, puisque nos finances ne sont abondées que par les cotisations des membres.
D’abord, en dernière page, vous trouverez les dates de nos cinq réunions de l’année 2022-2023. Notez-les dès maintenant sur vos agendas, électroniques ou pas, et vos calendriers, muraux ou plus réduits.
Ensuite, il y a le Forum des associations du IIe arrondissement le samedi 10 septembre. Nous nous réunissons, grâce à l’amitié de la mairie, dans ce cœur de la métropole où nous pouvons, toute une après-midi, faire mieux connaître la Sélyre. Depuis un an, nous avons connu un renouvellement et les rencontres du Forum constituent une excellente occasion ne sous faire connaître.
Enfin, le 24 septembre se tiendra notre sortie annuelle. Dans cette Haute-Savoie si proche, nous irons visiter la demeure de l’écrivain Michel Butor (1926-2016), romancier et poète, critique d’art et traducteur. Après le déjeuner, nous nous rendrons de Lucinges à l’abbaye d’Entremont, un de ces chefs d’œuvre à la fois médiéval, baroque et sarde témoignant du riche passé de la région. Inscrivez-vous rapidement !
Avec vous, la Sélyre met les bouchées doubles — et pas seulement lors de nos apéritifs, que nos membres rendent toujours plus conviviaux et goûteux !

Des livres pour comprendre notre monde

     Pour éviter les clichés et ne pas réduire notre vision du monde à une opposition entre le camp du bien et celui du mal ou à la certitude que nous savons ce qui convient à chacun, il importe de connaître les autres pays et les autres civilisations. Leurs spécificités et leurs différences s’expliquent et, plutôt que de porter sur eux des jugements de valeur, il convient de les voir tels qu’ils sont et non tels que nous souhaiterions qu’ils soient. L’étude de leurs passés semble donc indispensable. Voici quelques ouvrages permet-tant de les approcher ainsi avec sérénité.
       Très méconnues aujourd’hui — qui se souvient du livre de Jules Verne Un drame en Livonie ? — les trois petites Républiques qui ont arraché leur indépendance à l’Urss moribonde peuvent se targuer d’une riche his-toire, détaillée par Sylvain Gouguenheim dans Les derniers païens. Les Baltes face aux chrétiens XIIIe-XVIIIe siècle (Paris, Passés composés, 2022, 448 pages). Il en est de même avec le travail dirigé par Marie-Madeleine de Cevins, Démystifier l’Europe centrale. Bohême, Hongrie et Pologne du VIIe au XVIe siècle (Paris, Passés composés, 2021, 996 pages). Deux cas particu-liers méritent de retenir l’attention : Élisabeth de Hongrie. Princesse de charité (Paris, Salvator, 2021, 190 pages), de Dominique Sabourdin-Perrin, et La Réforme commence à Prague. Histoire des hussites XVe-XXe siècle (Pa-ris, Passés composés, 2021, 320 pages).
Cette Europe centrale et orientale a été très marquée, ravagée même, par les totalitarismes et la grande déflagration du milieu du XXe siècle. Des résumés pédagogiques sont donnés par Benoît Rondeau sous la forme de 3 minutes pour comprendre 50 événements clés de la Seconde Guerre mon-diale (Paris, Le Courrier du livre, 2021, 160 pages). Stephen Alan Bourque a voulu aller Au-delà des plages. La guerre des Alliés contre la France (Paris, Alpha, 2022 [1re édition : Passés composés, 2019], 536 pages). En face, Georges-Henri Soutou décortique Europa ! Les projets européens de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste (Paris, Tallandier, 2021, 544 pages), qui permet de ne pas oublier qu’il y eut là une tentative de construction con-tinentale. Philippe Valode, lui, montre ce qu’a représenté, notamment pour les Allemands, Karl Dönitz. Successeur d’Hitler durant 23 jours (Monaco, Le Rocher, 2021, 424 pages). De l’autre côté, Jean Lopez et Lasha Otkh-mezuri détaillent Les maréchaux de Staline (Paris, Perrin, 2021, 544 pages), les oubliés comme les vedettes, les épurés comme les séides. Illustrant un autre aspect du même système, Ben Macintyre fait revivre l’Agent Sonya. La plus grande espionne de la Russie soviétique (Paris, Éditions de Fallois, 2020, 416 pages). On en vient à s’interroger sur la situation actuelle, comme le fait Thibault Muzergues dans Europe champ de bataille. De la guerre quasi impossible à une paix improbable (Lormont, Le Bord de l'eau, 2021, 310 pages). Surgissent ensuite, aussi sous la plume de Philippe Valode, l’action et la personnalité de Charles de Gaulle. Un homme dans l’Histoire (1890-1970) (Paris, L’Archipel, 2022, 656 pages).
Il n’y a pas que l’Europe. Vincent Bernard montre comment La guerre des Sécession. La Grande Guerre américaine 1861-1865 (Paris, Passés composés, 2022, 448 pages) a constitué à la fois le premier grand conflit contemporain et la matrice des États-Unis d’aujourd’hui, qui ne l’ont d’ailleurs pas oubliée. À partir de là, a pu se développer une vision et une pratique réellement impériales, caractéristiques d’une grande puissance ne reculant devant rien : Nikola Mirković le décrit dans L’Amérique empire (Paris, Temporis, 2021, 336 pages).
Comment alors ne pas s’interroger sur la manière dont ont été gérés certains problèmes ? Adel Bakawan n’hésite ainsi pas à décrire L’Irak. Un siècle de faillite. De 1921 à nos jours (Paris, Tallandier, 2021, 288 pages). Pourtant, aux lointaines origines, il y avait, admirablement mise en valeur par l’équipe dirigée par Pascal Maguesyan, cette merveilleuse Mesopotamia. Une aventure patrimoniale en Irak (Lyon, Première partie, 2020, 256 pages), où il est question aussi bien des yézidis que des chrétiens. L’un des auteurs, Joseph Yacoub, présente la principale dénomination de ces derniers, Les Assyro-Chaldéens. Mémoires d’une tragédie qui se répète (Paris, L’Harmattan, 2021, 280 pages).
Terminons par deux ouvrages du même auteur, Chantal Delsol : ils in-vitent justement à une réflexion sur notre monde. D’abord, Le crépuscule de l’universel (Paris, Le Cerf, 2020, 378 pages). Ensuite, La fin de la chrétienté (Paris, Le Cerf, 2021, 180 pages). L’un et l’autre font écho au fameux mot de Valéry après la Première Guerre mondiale : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ».

Jean Étèvenaux

Le coup de cœur d’Odile Gasquet

Israël Joshua Singer est né en 1893 en Pologne. Il était le frère ainé d’Isaac Bashevis Singer, prix Nobel de littérature en 1978. À partir de 1916, il fut journa-liste dans la presse yiddish européenne, en Ukraine puis à Varsovie, qu’il quitte en 1934 pour s’installer à New-York où il meurt dix ans plus tard. Israël, fils ainé de la famille de Pinkas Singer, descendant du fondateur du hassidisme, destiné à devenir rabbin, se révolte très tôt contre la foi paternelle. Il choisit de se consacrer à la litté-rature et au journalisme, entrainant avec lui son petit frère, Isaac, dans les cercles littéraires de Varsovie.
Cette connaissance intime d’un monde juif en transition : de la tradition la plus stricte, le hassidisme, vers la modernité, la Haskala (mouvement juif des Lu-mières), dans une Europe centrale fondamentalement antisémite où s’enchaînent de violents pogroms, donne toute la puissance et la précision chirurgicale de cette fresque familiale et historique implacable. Les destins sont scellés dans les chemi-nées d’usine de Lodz, qui crachent, comme une prémonition dantesque, la sueur, la misère et la mort d’une population condamnée depuis la nuit des temps.
Au milieu du XIXe siècle, des tisserands allemands et moraves sont venus s’installer en Pologne, car pour éviter les importations de tissus les autorités en Pologne leur offraient des exemptions d’impôt et de service militaire ainsi que la liberté de culte protestant. Certains s’installèrent à Lodz, où quelques dizaines de famille de tailleurs juifs étaient tolérées par les Polonais chrétiens. Une grande par-tie de ces tissus fabriqués à Lodz était écoulée vers la Russie avant que celle-ci ne bascule dans la révolution socialiste. Voici donc les quatre protagonistes de cette grande fresque sociale qui se déroule de la révolution industrielle à la Première Guerre mondiale et à la Révolution russe.
Comme en écho à la grandeur et à la décadence de Lodz, capitale du textile polonais, se déroule l’histoire de l’ascension et de la chute des frères Ashkenazi. Le destin des deux jumeaux, Simba Meyer et Yakov Bunem, fils de Avrom Ashkenazi, érudit, prospère marchand, chef de la communauté, va tenir en haleine le lecteur. Car ces deux frères sont dotés de caractères et des projets diamétralement opposés.
Simba est intelligent, rusé, ambitieux, mais chétif. En permanence il tente de forcer le destin pour s’extraire de la malédiction qui semble s’acharner sur la communauté ; calculateur, manipulateur, travailleur et courageux, il veut imposer, de haute lutte, par la réussite sociale son désir de puissance et de reconnaissance.
Yakov est un grand et beau garçon, généreux, insouciant, gourmand, sen-suel, aimant tous les plaisirs de la vie, encore enfant il s’éprend de la belle Dinelé qui va être mariée par ses parents à son frère. Malgré sa nonchalance il va connaître lui aussi une belle ascension sociale, mais plutôt par la séduction, le jeu, la chance et les femmes. Avant de tout sacrifier pour sauver son frère.
L’histoire de cette rivalité, permet à l’auteur d’emprunter de multiples che-minements et d’introduire une foule de personnages secondaires qui viennent enri-chir ce roman familial.
L’arrière-fond historique n’est pas un décor, il vient broyer les êtres comme dans une moulinette mythologique. Et le fait que ce roman ait été publié en 1936 confère à l’auteur une prescience aiguë et tragiquement prémonitoire de ce qui va advenir, à savoir la pire des barbaries connue à ce jour : l’extermination des Juifs d’Europe par le régime nazi.
Avec Les frères Ashkenazi on entre dans la communauté, celle des hommes, des femmes, des anciens, des enfants, des riches, des pauvres, des courageux, des lâches, celle de juste avant. On vit avec eux, avec leurs désirs, leurs illusions, leurs croyances ou pas, le poids de l’Histoire qui les accable et leurs faibles moyens pour résister, ou vivre tout simplement. On erre avec eux, pendant sept cent pages, sans autre boussole qu’un livre vieux de plusieurs milliers d’années, dans un monde tour à tour méfiant, hostile, haineux.
C’est pourquoi je conseille cette lecture. La force d’un tel récit littéraire vient nourrir et éclairer magistralement la réflexion sur l’Histoire, le souffle qui le soutient est aussi puissant que dans Germinal de Zola ou Les temps difficiles de Dickens.


Odile Gasquet
Israël Joshua Singer, Les frères Ashkenazi, Paris, Le Livre de Poche, 2015 [édition originale : Denoël, 1936], 648 pages

 

Éthique journalistique

L’importance des clichés et des tics indique une sorte de conformisme de la langue, appauvrie et réduite à une succession d’images binaires, rassu-rantes et attendues d'une part pour dépeindre le bien, ou chargées d'émotion négative d'autre part pour représenter le mal.
Ceci est particulièrement vrai pour la presse, surtout télévisée, où l'emploi des clichés semble correspondre à un code convenu entre le journa-liste, qui lit son prompteur, et le téléspectateur qui attend sa ration. Les hommes politiques parlent de plus en plus mal ; les journalistes leur emboî-tent le pas, et utilisent les mots et expressions « de la rue » afin, dans leur esprit, de mieux se faire comprendre de tous.
Ces recours aux lieux communs favorisent la communication qui ne passe plus par les idées, mais par quelque chose d'irrationnel, de flou. Ils correspondent à des tics de langage, qui fluidifient le discours et la commu-nication. Ces automatismes, ou expressions figées, sont les révélateurs de la paresse intellectuelle des locuteurs, qui ne cherchent pas à trouver l'expres-sion ou le mot justes ou simples, mais se coulent et se moulent dans un con-formisme de bon aloi. Chez ces gens-là, on ne pense pas, Monsieur, on ne pense pas. En tout cas, ce formalisme dénote un manque total ou partiel d'esprit critique et de curiosité intellectuelle.
Démonstration. Imaginons une petite histoire écrite en style journalis-tique.

Une croisière historique

Le yacht fendait les eaux cristallines de la mer turquoise au milieu de nulle part. Il contournait les quatre coins de l’hexagone sans coup férir avec le vent en poupe. Ce bateau c’était du lourd et il appartenait à un baron de la drogue qui bronzait en compagnie de sa maîtresse, une prostituée accro aux stupéfiants, qui se vautrait comme une traînée de poudre. Il était accompagné par un magnat, figure de proue de la finance, venu pour la pêche au gros. Les deux hommes n’étaient liés que par l’intérêt et chacun cherchait à tirer son épingle du jeu. La mésentente ne tarda pas : le banquier reprochait a son compagnon de faire bouger les lignes quand il pêchait, et l’autre droit dans ses bottes cherchait à botter en touche en l’accusant de faire les yeux doux à sa copine. Ils furent rapidement à couteaux tirés. La montée au créneau était incontournable. Voilà.
Il s’ensuivit une flambée de violence verbale avec échange d’injures lancées à boulets rouges. L’excursion virait au scénario catastrophe entre deux individus qui ne voulaient pas revoir leur copie.
Prise dans la tourmente, la femme était désolée par la tournure des événements et sentait que ça allait mal finir, y’avait pas photo. Elle tenta de tourner la page mais fut brutalement envoyée sur la touche : elle n’avait rien à faire dans la cour des grands, lui dirent les deux comparses. Désolée de ne pouvoir renouer avec le succès, elle déplora la situation mais sut raison gar-der. C’était la galère mais elle ne franchit pas la ligne rouge et se contraignit à un silence assourdissant. Elle choisit de garder les yeux rivés sur l’île para-disiaque qui surgissait dans les eaux émeraude avec ses plages immaculées.
En fait, la dispute perdurait et prenait de l’ampleur, le bras de fer virait à la descente aux enfers en arrivant à la croisée des chemins. Le baron sortit un cran d’arrêt et l’autre un coup de poing américain. Le banquier fut griè-vement blessé, il avait eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Mais son pronostic vital n’était pas engagé. Mis au pied du mur, un vent de panique refroidit la colère du baron, il n’était pas sans igno-rer les conséquences de cette dispute. C’était clair, il avait frôlé la catas-trophe et devait prendre une mesure phare. Á l’instar des grands de ce monde, il proposa un dédommagement royal à son homologue, et cerise sur le gâteau, consentit à fermer les yeux sur les incartades de sa compagne. Ça valait mieux que de défrayer la chronique en faisant couler de l’encre. Point barre et voilà.
Alain Larchier
 

Hommage à Pierre Cœur
         
Silhouette mince, toujours élégamment vêtu — petit nœud papillon, blazer classique —, il venait à nous avec un large sourire aux lèvres, son éternel petit brûlot à la main, aussi inséparable pour lui que la grosse bouf-farde de Maigret. Pouvait-on se douter que l’on côtoyait un des esprits les plus fins, les plus ouverts de notre cité, une personnalité dont la mémoire prodigieuse avait emmagasiné des connaissances étendues tous azimuts, mais cachées sous une modestie naturelle, connaissances qu’il révélait si on le sollicitait ?
Pierre Cœur a eu, sa vie entière, la vie médicale (et les milliers de sou-venirs qu’elle entraîne) chevillée au corps et au… cœur. L’âpreté de ses missions en France et à l’étranger (campagnes nombreuses en Afrique noire, en Algérie…) n’a pas corrompu cette jeunesse d’esprit, cette ironie pronon-cée envers le comportement des humains, cette distance stoïcienne, doublée, pour la contrecarrer, d’un esprit carabin prononcé jamais abandonné : quelques blagues de corps de garde, de temps en temps, venaient détendre nos réunions. N’était-il pas un des  rédacteurs assidus de la revue des in-ternes de Lyon, le Crocodile ?
Ses brillantes études l’ont conduit jusqu’au sommet de la hiérarchie médicale. Mais, à son rôle professoral, il faut adjoindre une œuvre écrite importante pour la transmission des savoirs médicaux : plus d’une vingtaine d’ouvrages et d’articles, publiés dans de nombreuses revues spécialisées en langue française ou anglaise. Mais sa plume a su être autre : on a découvert à son contact un historien amoureux de la ville de Lyon et particulièrement de ses forts périphériques, passionné aussi par l’Histoire du Dauphiné et de la Savoie, mais également par les récits de la Rome antique et du Moyen Âge.
Michel Loude

Pénétrer l’Histoire avec des bd

En ces temps de chasse au mâle blanc supposé toujours prêt au harcè-lement sexuel, il pourra sembler inapproprié de citer la fameuse phrase d’Alexandre Dumas : « Si j'ai violé l'Histoire, je lui ai fait de beaux enfants » — généralement transcrite sous la forme « On peut violer l’Histoire à condition de lui faire de beaux enfants ». La bande dessinée, en tout cas, illustre en permanence cette manière de voir. Même si elle se veut fidèle, elle est obligée d’exprimer par le trait des réalités en partie inconnues tandis que l’apport scénaristique condense, valorise et rapproche des moments épars ; l’imagination vient en quelque sorte au secours du savoir et anime une matière qui pourrait rester sinon inerte tout au moins incomplète. On pourra donc prendre du plaisir à plonger dans les albums suivants.
D’abord le Moyen Âge, à première vue très revisité, mais surtout placé à notre portée. Yvan Pommaux, dans un long déroulé de 160 pages, met en scène Angelot du Lac (Bayard). Rien à voir avec le preux Lancelot du Lac de la saga arthurienne : il s’agit d’un petit enfant trouvé au bord d’un lac alors que le pays, en pleine guerre de Cent Ans, connaît les ravages de la solda-tesque, des Grandes Compagnies et des brigands en tout genre. Recueilli par une bande d’adolescents, il apprend à vivre, c’est-à-dire à survivre, et, au terme d’un long périple, arrive chez le comte de Forez tandis que chacun semble trouver sa voie, y compris un Jehan de Meudon qui fait penser à maints jongleurs et troubadours de l’époque.
Personnage très mystérieux qui a enflammé les esprits, Jeanne des Armoises (Casterman) est mise en scène par Jean Pleyers et Néjib [Néjib Belhadj Kacem] aux côtés de Jhen, le héros médiéval créé en 1978 par Jacques Martin. Ce thème d’une possible survivance de Jeanne d’Arc avait déjà été abordé, il y a trente-sept ans, dans la même série avec Jehanne de France. On se demande d’ailleurs si, une fois de plus, le personnage princi-pal ne serait pas le sulfureux et fascinant Gilles de Rais…
Victor Hugo a été, entre autres, un maître du roman historique si prisé au XIXe siècle. Et voici que Notre-Dame de Paris connaît une suite, tout au moins un début de suite puisqu’un deuxième tome suivra Notre-sœur, pre-mière partie du Bossu de Montfaucon (Grand Angle). L’intrigue commence dans les caves du célèbre gibet parisien où Quasimodo s’était laissé mourir sur le cadavre d’Esmeralda. Philippe Pelaez et Éric Stalner font défiler, dans une ambiance lugubre à souhait, de nombreux personnages historiques, dont celle qui a donné son nom au sous-titre, Anne de Beaujeu, la fille de Louis XI régente de France pendant la minorité de Charles VIII et présentée sans fard comme une « garce ».
Partons maintenant, en avançant dans le temps, de l’autre côté de l’Atlantique. Patrice Ordas et Philippe Tarral ont inventé toute une histoire pour raconter Le Journal. Les premiers mots d’une nation (Grand Angle). L’intrigue se déroule entre 1781 et 1814 et présente, à côté de quelques ac-teurs historiques, des personnages fictifs décrits comme les hérauts de la liberté de la presse dans les États-Unis émergeant sur la scène du monde.
Aves Pierre Péju et Lionel Richerand on passe un excellent moment dans un univers a priori peu porté sur le rire, celui de la psychanalyse nais-sante. Frink et Freud. Le patient américain (Casterman) montre, avec une bonne dose d’ironie, l’influence du grand neurologue autrichien sur ses con-frères des États-Unis, notamment le Dr Horace Westlake Frink. Précisons que le scénariste a traité le même sujet dans un roman publié chez Galli-mard, L’œil de la nuit, inspiré du peu que l’on connaît véritablement sur ce dernier personnage, aussi attachant qu’ambigu.
Voici maintenant deux ouvrages permettant d’appréhender la Seconde Guerre mondiale en prenant de la hauteur, autrement dit depuis les avions au combat. Du côté étasunien, Garth Ennis et Keith Burns nous emmènent donc Out of the blue (Paquet), plus précisément sur les côtes norvégiennes face à la Flak allemande. Du côté japonais, dans Opérations dans le Pacifique (Pa-quet), Seiho Takizawa fait revivre, sur une petite année, les missions effec-tuées, au lendemain de Pearl Harbor, par deux pilotes de bombardiers-torpilleurs, traitées à mi-chemin des comics américains et des mangas nip-pons, le tout non dénué d’humour.
Enfin, pour le Canada, est retracé le drame qui s’est déroulé il y a neuf ans au Québec et qui se trouve résumé dans le titre Mégantic. Un train dans la nuit (Écosociété). Anne-Marie Saint-Cerny et Christian Quesnel montrent l’enchaînement des (ir)responsabilités qui ont abouti, à la suite d’un dérail-lement d’un train de liquides explosifs, à la mort de 47 personnes, sans ou-blier tous les problèmes qui ont suivi. Cette bd militante a su combiner des explications accablantes et des coups de crayon fulgurants.
      Gihé  

 Salon de Nantua : une édition réussie

50 auteurs de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes mais aussi de Paca, de Franche-Comté, de Bourgogne et même de Suisse se sont donnés rendez-vous les 12 et 13 mars à l’Espace Malraux pour la 11e édition du Salon du livre de Nantua. Après un samedi un peu calme en termes de fréquentation, le dimanche a vu le public revenir en cette fin de crise sanitaire.

Pierre Péju (2e à gauche), entouré de Renaud Donzel, Dominique Saint-Pierre et Jean Étèvenaux
Comme dans la nature, tous les goûts étaient présents : des livres d’Histoire (Dominique Saint-Pierre et sa fameuse biographie de Brillat-Savarin, Jean Étè-venaux, Christian Bryon), de la poésie (Mayah et Manjula Wediwardena, Aïcha Vesin Chérif, Nath de Bohème), du polar (Michel Lapierre, Roland Garin, Robert Ferraris, Raymond Pierre Communod, Paul Dubreuil), du roman (Anne-Laure Chanel, Christine Bagès-Limoges), du livre jeunesse (Monique Gimello et Laure-line Grenouiller).
L’auteur de La Petite Chartreuse, Pierre Péju, par ailleurs parrain du Salon du livre, a expliqué, lors d’une rencontre avec le public à l’Office de Tourisme, sa dé-marche de création : moment très apprécié des amoureux de littérature !
La conférence du renommé photographe animalier Julien Arbez le dimanche a eu un grand succès (plus de 100 personnes !) avec la projection en la salle de l’Eden d’un diaporama sur la faune sauvage du massif jurassien. Parallèlement, il exposait dans l’Espace Malraux des photos uniques de chevêchettes du Jura.
Enfin, le jeune public a fait la queue auprès des dessinateurs de bd Pica (alias Pierre Tranchand), Roger Brunel (auteur de l’affiche du Salon !), Jenfèvre, Mouss et Jean-Claude Laidin.
R.D.

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